La sixième édition de la manifestation « Les Voix d’Orléans — Rencontres de la francophonie » s’est tenue du 7 au 9 octobre 2021 à Orléans. Cette initiative créée en 2016 − à la suite des attentats terroristes perpétrés en France en 2015 − vise à donner la parole aux intellectuels et artistes du monde francophone. Une occasion leur permettant de débattre avec le public, sur les grands enjeux de nos sociétés, dans l’optique de perpétuer « l’esprit des Lumières pour combattre l’obscurantisme et dans une visée humaniste ».
Pour cette édition 2021, « Les Voix d’Orléans-Rencontres de la francophonie » ont donné « carte blanche » au Parlement des écrivaines francophones. Marie-Rose Abomo-Mvondo Maurin, Secrétaire générale dudit Parlement, a précisé que cette carte blanche était une aubaine qui leur permettait de porter haut la voix des femmes, celles des musulmanes notamment, en rapport avec l’actualité qui prévaut en Afghanistan où la liberté des femmes est piétinée : « Cette carte blanche nous donne l’occasion de toucher un public qui ne se sent pas toujours concerné par ce qui se passe dans le monde, notamment du côté des femmes musulmanes. Ce que veulent les femmes issues de cet archipel de la francophonie, c’est qu’on les écoute et qu’elles soient en mesure de casser ce statut qui leur a été imposé. Elles veulent construire un monde comme une unité, où la parole doit pouvoir circuler entre elles. »
Il est important de rappeler que cette association s’inspire du « Parlement international des écrivains » fondé en 1993, à la suite des assassinats de plusieurs écrivains en Algérie, en particulier celui de Tahar Djaout. Le Parlement international des écrivains, qui avait pour ambition d’aider les écrivains menacés de mort et d’exil, va s’autodissoudre en 2003. Partant de cette idée, Fawzia Zouari journaliste et écrivaine d’origine tunisienne, avec le soutien de l’Organisation Internationale de la Francophonie, va décider d’initier le Parlement des écrivaines francophones, qui va finalement voir le jour en 2017. Sa première session a eu lieu en septembre 2018, en présence de 70 écrivaines venues des quatre coins du monde pour échanger et débattre sur la condition des femmes, leur place sur la scène publique et politique entre autres. La première action engagée qu’elles ont posée était la rédaction du Manifeste publié dans le journal Le Monde, sous le titre : « Liberté, égalité, féminité ».
En effet, le Parlement des écrivaines francophones est une association qui a pour objectifs de « rendre distincte la voix des femmes écrivaines, affirmer qu’il existe un “écrire ensemble” capable de renforcer les liens des écrivaines où qu’elles se trouvent. Les parlementaires travaillent à faire reconnaître la place de l’écrivaine dans son pays et à réaffirmer son rôle dans le dialogue civilisationnel. L’association constitue un trait d’union entre le Nord et le Sud afin de faire circuler les idées et les auteures. Elle s’exprime sur ce qui porte atteinte à l’intégrité morale ou physique des écrivaines. Elle défend la liberté et les droits humains partout où ils se trouvent attaqués, et elle offre un espace de prise de parole destiné à donner le point de vue des femmes sur les débats ou les crises de nos sociétés. »
Par conséquent, l’événement « Les Voix d’Orléans » s’est déroulé au prisme de la vision de ce Parlement composé des femmes courageuses. Des femmes, dont les réflexions et prises de position, ont considérablement fait avancer le débat concernant la place de la Femme dans nos sociétés contemporaines. Des femmes qui n’ont eu de cesse de dire « Non » à toute forme de violence subie par la gent féminine. Des femmes qui ont à cœur de démontrer que leurs combats ne se limitent pas à la quête de leur liberté, elles ont des arguments solides à exprimer sur tous les autres problèmes que traverse l’Humanité tout entière. À juste titre, la voix a été donnée à plusieurs invitées francophones − écrivaines, journalistes, réalisatrices, artistes, actrices, intellectuelles entre autres − pour parler de tous ces défis auxquels elles sont confrontées au quotidien. C’est ainsi que les trois jours du rendez-vous « Les Voix d’Orléans » ont été marqués par des débats, des tables rondes, des rencontres, des expositions, des lectures de textes, des ateliers d’écriture et autres.
Plusieurs thématiques ont orienté les échanges de cette 6e édition. Les différentes invitées ont échangé autour des sujets portant sur la femme et son corps, les mouvements féministes, les luttes des femmes dans l’Histoire, le réchauffement climatique, le dialogue qui allie la musique à la littérature entre autres. Nous avons par exemple eu une rencontre intitulée : « Regard féminin sur les printemps arabes ». Autour d’une table ronde partagée par Maram al-Masri, Sophie Bessis, Chahla Chafik et Hyam Yared ; il a été question de faire l’état des lieux du « Printemps arabe », dix ans après son éclatement, en mettant un accent sur ses causes et ses conséquences. Les participantes ont également souligné le rôle des femmes au sein de ces mouvements ainsi que leur impact sur la condition féminine. Nous pouvons aussi évoquer la rencontre entre Marie-Rose Abomo-Mvondo/Maurin, Chahla Chafik, Cécile Oumhani, Emeline Pierre et Annie Richard, autour du thème « le féminisme dans tous ses états ». Elles ont questionné le féminisme, de ses origines jusqu’à nos jours, en revenant sur ses différentes tendances selon l’évolution du temps. Nous n’oublions pas les brillantes interventions autour de la table ronde sur « les résistantes et rebelles » animée par Sylvie le Clech, qui était entourée de Safiatou Ba, Geneviève Damas, Alicia Dujvone-Ortiz, Gisèle Pineau et Hyam Yared.
Enfin, nous citerons le débat animé par Fawzia Zouari : « La francophonie au féminin ». Leïla Slimani, Lise Gauvin, Suzanne Dracius et Nivine Khaled ont pu débattre sur ce sujet, en répondant principalement à la question : « Comment en finir avec un discours sur la francophonie prisonnier du passé historique et des rapports de domination, tributaire d’enjeux politiques et institutionnels ? » Il en ressort que la langue française n’est plus consubstantielle à une patrie, la France. De plus en plus, elle est parlée par des ressortissants de nombreux pays qui n’ont aucun lien colonial avec la France. Et donc, la conception de la francophonie devrait juste tenir compte des différents utilisateurs de la langue française dans le monde, sans distinction d’espaces. Le français est à considérer plus comme un vecteur de communication, dont se servent les femmes francophones notamment, pour exprimer leurs idées et faire entendre leurs voix.
Boris Noah
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